Tu n’aurais pas du, mon premier amour, porter ce regard sur moi il y a 15 ans. Tu n’aurais pas du me séduire, me gouter, me savourer me dévorer. Tu n’aurais pas du me dire « Je t’aime », m’envelopper m’engloutir.
Tu n’aurais pas du me dire que j’étais une princesse, une fée .Tu n’aurais pas du me faire croire que le « Je » devenait « Nous » pour l’éternité .Tu n’aurais pas du me laisser penser que nous aurions des enfants, que la vie serait douce et simple, que tu n’étais qu’un pot d’amour et que je n’avais plus qu’à me servir…
Moi, Je n’aurais pas du me laisser submerger, me noyer, oublier qui j’étais, me fondre dans l’image que tu me renvoyais, m’abandonner avec ivresse, me laisser pétrir et fouiller. Je n’aurais pas du t’aimer au point de n’exister qu’à travers tes yeux, ta voix, tes mains, la chaleur de ton corps.
Tu n’aurais pas du me gifler, m’avilir, m’humilier, me tromper, revenir et frapper. Je n’aurais pas du te supplier, te pardonner, obéir et espérer…
Tu n’aurais pas du finir par me quitter.
Non, vraiment, tu n’aurais pas du me quitter mon amour.
Heureusement, je t’ai retrouvé .J’ai le droit d’aller sur l’ordinateur une fois par semaine pendant deux heures, c’est là que j’ai rendez vous avec toi sur Facebook.Je t’ai retrouvé les tempes un peu plus grises affichant un sourire qui ne pouvait que m’être destiné .Je t’ai vu avec de beaux enfants, en vacances, à Venise avec Elle. Elle qui a ce même regard de noyée que moi, « elle » que tu tiens solidement par l’épaule, cette petite chose insignifiante qui parait si frêle et si fragile. Elle ne fait pas le poids.
Je t’ai envoyé une demande d’amis, tu te souviens n’est-ce pas ? Nous avons papoté, parlé du passé, je me suis inventée un présent merveilleux, mère de deux beaux enfants, femme d’un cadre supérieur, journaliste sur le web…Un profil idéal…Le soir dans ma chambre, je me suis maquillée, coiffée et j’ai pris la photo : épaules découvertes, décolleté prometteur, regard de braise et sourire éclatant.
Je ne me suis jamais sentie aussi bien, aussi belle, aussi forte, d’ailleurs, eux aussi, trouvent tous que je vais mieux et c’est vrai, je vais beaucoup mieux depuis que je n’avale plus leurs horribles pilules.
D’ailleurs, je vais tellement mieux qu’ils m’ont accordée un droit de sortie aujourd’hui, le premier en 12 ans. Je m’y suis tant préparée à ce rendez vous que tu as souhaité. Me voir, me retrouver, réécrire une nouvelle histoire, tu n’as pas pu résister.
Enfin tu étais là, près de moi mon amour, toujours aussi beau. Tu m’as à nouveau charmée, envoutée, ensorcelée. L’ivresse m’est revenue, intacte, dans les draps froissés de cette chambre d’hôtel dont tu es un habitué. Et puis nous avons bu mon amour, le cocktail que je t’ai préparé, que tu as trouvé un peu amer et très corsé.
Et là, maintenant, dans le silence de cette chambre d’hôtel, mon premier, mon seul et dernier amour, tu es là, enfin, tout à moi pour l’éternité…
Tu vois, je te l’avais dit : tu n’aurais pas du mon amour….